Louis a quitté son village corse pour combattre sur le front en 1914. Survivant à l’holocauste, il rencontre à son retour Félicité. Ils s’installent à Toulon. Elle lui donne de nombreux enfants. Survient l’Occupation. Dans ce petit peuple mêlé d’ouvriers, marins, prostituées et michetons, tous vont s’aimer et se meurtrir à souhait dans l’espace clos de la ville fortifiée. Le temps est rythmé par le travail. Louis fréquente les bordels où il rencontre l’amour d’une femme. Les Allemands sont là, puis viendront les Alliés. La grande histoire déboule, transformant le quotidien des jours et du labeur des personnages en tragédie.
À travers le destin de ces personnages balayés comme fétus de paille, l’auteur, agissant en véritable « contrebandier de la mémoire », dessine un morceau inattendu d’Histoire, entre Corse et Provence.
Le courage du guerrier, c’est comme un demi-suicide répété plusieurs fois ? Ou peut-être, au fond de nous, ce désespoir latent, une sorte d’abnégation face à l’absurdité de la vie, un abandon sous le flot de cette bile noire qui nous fait désespérer, languir et nous endormir doucement à la volonté, au désir de changement et à l’amour. En fin de compte, c’est peut-être ça le courage, un désespoir en action.
On dit souvent que lorsqu’on se noie, toute notre vie défile en quelques secondes. Reste à savoir ce qu’est exactement une noyade ; j’en ai connu qui se noyèrent quasi immédiatement, qui ouvrirent la bouche pour respirer de l’eau dans l’ultime réflexe, d’autres qui nagèrent durant des heures, passant de la panique à l’espoir puis de l’espoir à l’angoisse et à la certitude de la mort, jusqu’à l’épuisement total et la coulade. Enfin, certains dont mon propre père, Guy, qui firent de leur vie entière une noyade anisée, une dérive de cinquante-sept ans.